De l'organisation huileuse et acrylique de la pensée
L’art est d’abord une aventure intérieure. Dans les phases de création, l’artiste jouit d’une grande liberté, et même (et surtout) celle de s’imposer des contraintes, qu’elles soient techniques ou d’ordre étiques. Les limites sont omniprésentes. Elles sont aussi là pour nous obliger à les dépasser. L’artiste qui n’a plus de limite (celles qu’on lui impose ou celles qu’il se crée) n’a plus de barrière à franchir et se retrouve alors paradoxalement prisonnier de son enclos. L’inspiration reste pour moi le franchissement de ces barrières.
Jusqu’à ce que l’artiste le décide, cette aventure intérieure devient collective. Exposer c’est s’exposer. Cela va au-delà d’un simple affichage sur les murs. L’artiste qui réussit à se dévoiler à travers son art s’expose, au mieux, à la critique esthétique, au pire, à celle de l’être humain lui-même. L’artiste choisi d’être au centre de cette expérience. Il prend tous les risques et ressemble parfois à un animal de foire.
Mais si l’artiste propose, il reçoit en contrepartie : La rencontre, l’échange et le partage. Cela répond en partie aux questions : Pourquoi je peins ? Quelles sont mes motivations profondes ? Je peins pour moi et pour les autres, et c’est d’abord mon rapport à l’autre qui me motive. Les collectivités ou les groupes ne m’inspirent pas. L’intimité a tant à explorer. L’être humain en tant qu’individu m’interroge et me questionne. Un rapport d’individu à individu peut provoquer une empathie, mais celui d’un individu par rapport à un groupe devient politique.
J’ai 50 ans de dessin en mode autodidacte. L’inconvénient, c’est le risque d’enfoncer des portes ouvertes, de découvrir un petit chemin pour s’apercevoir que c’est l’autoroute des vacances. Oui, je franchis des clôtures avec une barrière grande ouvert à proximité, mais l’important est d’abord dans la démarche. Je ne recherche pas le beau mais une façon de m’exprimer. Ce que j’ai compris assez tardivement.